Glucose, insuline, diabète, une équation compliquée

Le diabète de type 2 est une hyperglycémie qui s’emballe. Et l’insuline en injections n’est pas forcément la bonne réponse.

Notre corps gère mal une consommation élevée de glucose, surtout lorsqu’il s’agit de sucres raffinés consommés par a-coups dans la journée (sodas, grignottes): le pancréas libère une grande quantité d’insuline pour faire pénétrer ce sucre dans les cellules (qui devraient en avoir besoin) et en débarrasser le sang. La glycémie d’un individu est toujours en fluctuation, le “bon chiffre” étant de un gramme par litre de sang. A partir de deux grammes, la glycotoxicité commence…

Mais si initialement le pancréas augmente sa production d’insuline afin de répondre à ce besoin d’équilibre, il va vite se retrouver submergé et ses cellules béta (productrices d’insuline) vont peu à peu s’épuiser, entraînant ainsi une défaillance de l’organe.

Même si tous les mécanismes ne sont pas entièrement compris, ils semblent impliquer:

  • une toxicité du glucose qui est dose-dépendante. Et qui va se déclarer très vite sur les cellules pancréatiques. On estime qu’au bout de quelques semaines d’hyperglycémie provoquée (sur des souris ou des carnivores), 50% des cellules béta sont inopérantes, sans aucune compensation par une production accrue de ces cellules …
  • une prise de poids et une accumulation graisseuse, car ce trop plein de sucre sanguin trouve un exutoire privilégié dans le foie, qui dans un premier temps, se contente de transformer les sucres en glycogène qu’il ne peut accumuler, puis en graisses qu’il évacue et qui vont s’accumuler dans le tissu conjonctif périphérique, puis (et signe que les ennuis commencent), dans l’abdomen.
  • Mais un effet pervers se met en route: le corps est perturbé par cette présence en yo-yo de sucres et d’insuline dans le sang, et qu’il est donc inutile de puiser dans les graisses de réserve, ou même dans les graisses de chaque repas, pour fournir de l’énergie. Cette insuline, qui en début de maladie est sur-produite à contretemps, puis lors d’injections lors du traitement, s’oppose alors au déstockage des graisses et à la perte des kilos superflus. D’autant que l’insuline inhibe le signal de la leptine (hormone de la satiété), accentuant encore la prise de poids.
  • Les cellules du corps, dans cette ambiance sanguine très sucrée, épuisent leurs récepteurs d’insuline, et acceptent de plus en plus difficilement l’entrée du glucose, c’est le drame de la résistance à l’insuline. Le cercle vicieux est alors refermé: le pancréas épuisé et amputé de cellules béta produit néanmoins une insuline inopérante, le foie n’en peut plus de transformer les sucres en molécules grasses, et se met à en accumuler pour devenir un “foie gras” peu à peu inopérant pour ses fonctions quotidiennes de détoxification .. on entre dans la maladie métabolique …
  • Et c’est là qu’une constatation s’impose: la cause initiale du diabète de type 2 est bien l’hyper-insulinémie, et secondairement la résistance à l’insuline, mais alors injecter encore plus d’insuline alors qu’il y a déjà trop dans le sang est illogique: les cellules résistantes se verrouillent au glucose, et la logique médicale est d’augmenter la dose d’insuline puisque le pancréas et défaillant n’apporte pas le résultat espéré.

Bien sûr, l’insuline est utile et surtout pratique lors de glycémies dramatiques: on peut les limiter à des taux de survie bienvenus. Mais l’insuline n’est pas là pour guérir, mais réellement pour soulager et réguler cet empoisonnement chronique.

Source Boehringer Ingelheim Animal Health France

La solution diététique (car tout part des excès de sucre dans nos aliments et dans la chronologie de leurs apports), c’est le régime cétogène, qui consiste à évacuer drastiquement de notre nourriture les sucres, tous glucides confondus, et à privilégier les apports en protéines et en graisses, car le foie (s’il est encore en bon état), est en mesure de transformer ces protéines et ces graisses en glucose, (néo-glycogénèse) mais cette fois-ci en douceur et et fonction des besoins heure par heure, des cellules qui recouvrent alors leur capacité d’absorption de ces sucres. D’autant que le pancréas (lui aussi, s’il est encore opérant), n’est plus obligé de surproduire de l’insuline puisque la glycémie est régulée par le foie … il peut retrouver une capacité de produire l’insuline au taux correct.

Malheureusement, ce régime cétogène est particulièrement contraignant et pas toujours bien supporté. S’il est efficace, il est surtout négligé ou abandonné par les malades. On attend beaucoup des nouveaux coupe-faim, comme le Wegovy ou l’Ozempic, sans vraiment de recul. Il faut se méfier de ces molécules miracles qui surgissent dans le théatre médiatique médical …

Mais de manière pratique et économique, une phytothérapie originale est disponible, elle repose sur l’action des substances amères. Qui agissent à la fois sur la cadence des repas, sur la digestion des glucides et sur la production de l’insuline en phase avec les vrais besoins cellulaires.

Nous l’appellerons l’amérothérapie

L’amérothérapie, ou l’art de stimuler votre immunité naturelle.

Sans le savoir, vous avez sans doute une aptitude de santé complètement négligée, bien connues de nos anciens: les principes amers de plantes comestibles ou médicinales sont à votre disposition. Un peu de lecture sur ce site, et vous serez convaincu(e)s…

L’amertume, un signal de défense, une protection innée

Quelle est votre sensibilité à l’amertume ?

La longue histoire des récepteurs du goût

Système parasympathique, nerf vague et substances amères.

Les amers, des bienfaits longtemps reconnus.

Quand le sucré paralyse l’action des amers

La face cachée des médicaments amers

Une saine amertume sur notre table

Une immunité solide et immédiate à stimuler.

Au niveau de la bouche et des gencives.

Au niveau des voies respiratoires supérieures

Au niveau des voies respiratoires thoraciques (asthme, BPCO)

Au niveau cutané: allergies et atopies

Glucose, insuline, diabète, une équation compliquée

Les amers tempèrent l’appétit et orientent la digestion

Les amers et le métabolisme des sucres: obésité et diabète

les amers en oncologie

Autres cibles thérapeutiques à venir

En terme de résumé: l’amertume pour les nuls ….

Quelques conseils pour un régime d’amertume, ou amérothérapie

En terme de résumé

Les récepteurs d’amertume sont présents à la surface de nombreuses cellules humaines. Particulièrement dans la bouche, mais réparties également dans divers tissus. Ils sont nommés TAS2R, T pour Taste et R pour Récepteur.

Ces récepteurs, actuellement identifiés au nombre de 25, ont des effets différents selon leur emplacement et les molécules amères qui les stimulent, en particulier:

  • au niveau buccal, ils nous informent sur le goût (reconnaissance cérébrale), et sur l’éventuel danger à l’ingestion. D’où dégoût et vomissement immédiat, ou bien diverses actions physiologiques via le nerf vague.
  • au niveau respiratoire, ils constituent un second système immunitaire inné (et donc sous influence génétique) d’action immédiate, capable d’une action bactéricide (production de NO, de défensines) et d’une évacuation d’un mucus (biofilm) qui héberge les micro organismes et qui obstrue les voies respiratoires.
  • au niveau digestif, ils permettent au cours du transit, de gérer l’appétit, la production d’enzymes, et la régulation de la glycémie, une ressource profitable en cas d’obésité et de diabète.
  • au niveau des cellules de l’immunité, et en cas d’inflammation, , ils en diminuent la multiplication et leur migration, et en bloquent les actions inflammatoires.

A l’origine de l’Évolution, ces récepteurs étaient activés par des molécules d’origine bactérienne, établissant ainsi une défense immédiate indépendante d’un système immunitaire encore en phase d’élaboration.

Il se trouve que les substances amères miment au plan moléculaire les produits bactériens et provoquent le même type de réaction des cellules équipées de ces récepteurs.

Vingt-cinq TAS2R sont maintenant connus chez l’homme. Cette variété pourrait être le reflet d’un adaptation aux diverses formes de confrontations avec des micro-organismes (à l’inverse, on ne connaît qu’un seul récepteur du sucré et un seul récepteur à l’umami).

Les TAS2R agissent en duo, et pour qu’ils soient activés, la molécule amère doit se fixer sur chacun des deux récepteurs. Ainsi, les TAS2R ont des affinités, donc des spécificités différentes concernant des molécules amères, et inversement une même substance amère peut activer plusieurs récepteurs.

Beaucoup de travaux ont été effectués avec des molécules de synthèse, extrêmement amères, mais difficilement transposables pour des thérapies en sécurité. 

On peut néanmoins compter sur des dizaines de substrats végétaux bien connus depuis des siècles , mais désormais disponibles purifiés et analysés pour un usage optimal.

Une immunité solide et immédiate: sachons la stimuler .

Nous l’avons vu plus haut: les papilles gustatives de la bouche et les cellules touffues dans tout le corps constituent des systèmes d’alerte, soit localement, soit à distance grâce au nerf vague.

Primitivement en alerte contre des parasites ou des germes infectieux, il se trouve que ces récepteurs sont également sensibles et réactifs à des substances amères.

A ce titre, et comme notre alimentation est désormais orpheline en amertume, il serait bon de bien connaître ce réseau sensible, ainsi que les substances amères qui peuvent les faire réagir, et avec quels effets physiologiques (action sur l’appétit, par exemple) ou thérapeutiques (relâchement bronchique, par exemple).

Le schéma ci-dessus résume la disposition anatomique des récepteurs d’amertume dans notre corps, ainsi que les réactions constatées lors de l’inhalation, ou l’ingestion de substances amères. On notera en vertical l’action du nerf vague, soit d’ordre réflexe (vomissement immédiat), soit en réaction différée (sécrétions digestives, sphincters urinaires).

Dans les chapitres suivants, nous allons détailler les différents organes du corps dotés de récepteurs d’amertume, et les pathologies susceptibles d’être soignées par des principes amers bien choisis.

Une saine amertume sur notre table

Tout d’abord un constat: les végétaux amers, qu’on cuisinait autrefois, ont largement évolué pour “passer la barrière du goût” des consommateurs contemporains. Les maraîchers proposent désormais des salades, des fruits et des légumes dont l’amertume a été éliminée par sélection. 

Finie l’âcreté des endives, des concombres, des brocolis, des radis, du céleri, des pissenlits, des artichauts, du cresson, des olives, mais aussi des pamplemousses, des coings ou de la rhubarbe.

Et que dire des concombres ? Qui se souvient qu’autrefois le concombre était si amer qu’il était pratiquement immangeable tel quel ? C’est pour ça qu’on le mettait en saumure, pour en faire de gros cornichons, comme les olives qui, sans cela, sont immangeables. Le radis noir, qui écorchait nos palais, devient une gourmandise réputée pour son croquant…

On n’oubliait pas d’ajouter de nombreux aromates à la cuisine, souvent aussi appelés « herbes amères » : achillée, bardane, calendule, laurier, myrrhe, plantain, séné, verveine cataire, romarin et bien d’autres.

Les produits courants encore apporteurs d’amertume restent le thé (thé vert), le chocolat noir, certains cafés (robusta), ou alors on “amérise” les plats avec des sauces toutes préparées comme l’Angostura ou l’Amer Picon.

On peut également accompagner les plats en buvant de la bière bien houblonnée, ou des vins chargés en tannins issus de cépages Cabernet Sauvignon, Nebbiolo, ou Syrah…. 

Des recettes de plats teintés d’amertume sont disponibles sur le site https://recettes-saines-et-gourmandes.com/ , où l’on apprend à jongler avec les radis noirs, les choux, la bière, le céleri, la chicorée, le gingembre …

On peut également cuisiner “normal” en créant des tartes ou des pizzas dont la pâte sera chargée en amers.

En voici la recette:

1-Faire infuser du thé dans de l’eau à 90°pendant 10 minutes, laissez refroidir.

2- La pâte: réduire en poudre des feuilles de thé vert. Mélanger à la main la farine, le beurre présenté en petits cubes, 5 ml du thé infusé, une pincée de sel, puis introduire les feuilles réduites en poudre jusqu’à obtenir une pâte homogène.

3- réserver au réfrigérateur pendant au moins 30 minutes

4- la garniture: elle dépendra de vos goûts et du degré d’amertume désiré. Les ingrédients les plus courants sont les oignons, les olives vertes, les anchois, les artichauts, le romarin, le gingembre. 

5- enfournez le plat à 210°pour 30 à 40 minutes

6- avant la dégustation, on peut encore rajouter de l’amer en versant par petites quantités de l’huile de noix, ou des extraits tout préparés comme l’Amer Picon, le Bitter Force, ou l’Angostura.

7- on accompagnera ce plat avec le thé infusé, ou un vin tannique comme le cahors.

Pour des tartes de desserts, même recette de pâte, avec pour garniture du gingembre, des coings, des noix ou des amandes, des oranges amères, et toujours le petit plus de quelques gouttes de concentrés dits “bitters”. 

Parmi ces “bitters”, j’ai mis plusieurs mois à concocter un cocktail efficace et pratique, pour “amériser” des plats culinaires, mais aussi servir de collutoire amer (mais rassurez vous, très supportable) pour soigner des pathologies respiratoires. C’est l’amer universel, que je compte bien partager avec vous …

La face cachée des médicaments amers

Nos premiers médicaments étaient essentiellement d’origine végétale. On utilisait des plantes (généralement dans leur “totum”, c’est-à-dire avec l’ensemble des constituants), pour laisser agir des molécules très actives, toxiques à forte dose (réaction de défense de la plante) mais thérapeutiques à faible dose. Et ces principes végétaux (tannins, alcaloïdes) étaient amers. On les prenait en tisanes, élixirs, liqueurs ou potions, généralement mêlés à du miel pour faire … passer la pilule.

Puis sont arrivés les médicaments issus de la recherche en pharmacologie, d’abord les principes végétaux purifiés (quinine), puis les molécules de synthèse. 

Mais même avec ces produits “modernes”, l’amertume refait surface.

Beaucoup de médicaments ont un affreux goût d’amertume, et on doit masquer cette saveur par un ajout de sucre, ou bien par leur mise en gélules ou en comprimés enrobés.

Comme vétérinaire, j’ai un gros travail d’éducation et de persuasion pour faire prendre aux chats en urétrite aigue de minuscules comprimés de scopolamine, un composé très amer : si par malheur le chat croque le comprimé, l’amertume se dégage, le chat salive pendant 30 minutes, et refusera par la suite de se laisser soigner …

Les effets hors cibles des médicaments amers

Et connaissant les réactions physiologiques (et par conséquent thérapeutiques) de l’amertume, on peut s’attendre à des effets hors cible de certains médicaments, parfois dans le bon sens (ex : de la quinine, qui est un fébrifuge historique, mais efficace, pourra du fait de son amertume, agir également (selon son mode d’utilisation) pour soulager une inflammation bronchique. Il est d’ailleurs probable que la fameuse hydroxychloroquine préconisée pour le Covid par le Panoramix marseillais, agissait comme antiviral, anti-inflammatoire « chimique » comme prévu, mais avec une action parallèle, parfois avec une action non désirée.

Les ligands T2R (donc nos composés amers) comprennent un large éventail de composés naturels et synthétiques. Notamment, de nombreux produits pharmaceutiques qui ont un goût amer, avec des composés tels que la chloroquine, l’halopéridol, l’érythromycine, le procaïnamide et l’ofloxacine connus pour activer les T2R. 

Les composés au goût amer peuvent avoir des effets physiologiques spécifiques dans les cellules exprimant le T2R.Par exemple , la ghréline et le peptide-1 de type glucagon en réponse à une stimulation par des composés au goût amer. Dans le système respiratoire, la stimulation des T2R exprimés dans les épithéliums respiratoires et les muscles lisses a été impliquée dans les réflexes protecteurs des voies respiratoires, les battements ciliaires et la bronchodilatation. 

En illustration de cet article, un tableau de différents médicaments amers, leurs cibles thérapeutiques, et les différents types de récepteurs qu’ils peuvent reconnaître.

Quand le sucré paralyse l’action des amers

Que ce soit au niveau des papilles (en bouche) ou des cellules touffes (dans l’ensemble du corps), les récepteurs du sucré et ceux de l’amer se côtoient et on a récemment constaté qu’ils fonctionnaient en concurrence. Tant que le substrat (salive, mucus) qui baigne les récepteurs est résolument sucré, les récepteurs d’amertume sont bloqués. Mais en dessous d’un seuil de sucre, ce blocage se libère et l’action d’amertume se met en route.

Ce principe d’exclusion sucré/amer est très important dans la perspective de soins avec des substances amères. En effet, si les remèdes amers sont accompagnés d’un excipient sucré (sirop, gomme arabique … ou cocktail sucré), leur effet sera fortement invalidé et ils pourront passer pour inefficaces.

Et c’est justement le cas de nombreux produits où l’amertume est gommée en bouche par un apport sucré (apéritifs, liqueurs, solutions per linguales), dont les effets tiendront plus d’un effet d’hédonisme, voire placebo, plutôt que d’une réelle action moléculaire.

Les amers, des bienfaits depuis longtemps reconnus.

Les formules amères à base de plantes remontent à l’Antiquité. Les anciens Égyptiens faisaient macérer des herbes amères dans du vin, utilisant probablement l’infusion à la fois pour améliorer le goût du vin mais aussi pour soutenir la digestion comme nous le faisons aujourd’hui.

La première formule d’amers documentée dans le monde occidental remonte à Mithridate, souverain de l’ancien royaume grec du Pont, qui cherchait, curieusement, à développer un antidote aux substances toxiques. Mais c’est avec la thériaque vénitienne, que se développe une véritable médecine reposant sur les amers. Ce célèbre mélange de plantes médicinales a été rapporté à Rome comme contrepoison par Pompée (on mourait beaucoup d’empoisonnements à l’époque…), avec une formule comportant 43 plantes, quasiment toutes amères. L’alchimiste Paracelse en modifie la formule, toujours avec 43 végétaux.

Cette thériaque est reprise dans les monastères , qui avaient tous un jardin médicinal, ce qui a donné lieu à de nombreux élixirs ou liqueurs (Bénédictine, Chartreuse) consommées par plaisir, mais surtout pour leurs effets bénéfiques généraux.

En 1151, l’abbesse Hildegarde de Bingen publie un premier ouvrage: “le livre des subtilités”, qui sera complété après sa mort par des thérapeutes de son école. Elle y propose des remèdes où prédominent les extraits végétaux amers, comme l’armoise, la gentiane, l’aloès, la sauge, le cresson, le céleri ou la lavande, mais aussi la bile de lapin “extraite en phase de lune croissante avec une seringue”.

De nos jours, plusieurs fabricants se targuent de proposer ces remèdes, en particulier sous forme d’élixirs … mais aussi d’apéritifs (vermouths, gentianes)

Actuellement, nos organismes sont en quelque sorte orphelins de l’amertume.Et les médicaments si évolués soient-ils, ne soignent que des maladies déclarées, mais n’agissent pas en protecteurs de santé comme les amers traditionnels. 

On note pourtant un renouveau dans la consommation des amers: la mode des bières houblonnées, des cocktails, et le phénomène Spritz.

De plus en plus, la bière remplace le vin dans des soirées arrosées. Et la tendance est de savoir apprécier (merci les belges qui ont montré le chemin) des bières fortement amérisées par l’adjonction d’extraits de houblon… et parfois d’amer Picon, soit un retour au traditionnel Picon-bière….

Longtemps réservés aux “connaisseurs” (ça fait toujours mieux que “pochetrons”) des bars huppés des hôtels de luxe, les cocktails sont maintenant proposés dans tous les bars branchés et constituent l’essentiel de leur chiffre d’affaires. Et il est de bon ton d’y introduire une bonne dose d’amers, dont il existe une kyrielle de spécialités, chacune ayant un goût ou une saveur originale.

Mais le phénomène récent le plus “tendance” est la consommation chez soi, en famille ou entre amis, d’un “Spritz”, le  mélange d’un vin blanc effervescent (par ailleurs très médiocre à l’état pur), d’un amer italier (Apérol, Campari), et d’un soda… le tout dans un grand verre rond dédié et beaucoup de boisson.

Ces cocktails constitueraient une saine cure d’amertume ? Ce serait trop beau pour ces (nouveaux) amateurs (et amatrices car le Spritz fait un carton chez les dames …) de sensations amères. Car ces boissons, justement pour faire “passer” l’amertume, sont gavées de sucre. Justement ce qu’il ne faut pas  (voir plus loin) pour une efficacité tangible des molécules amères.


Système parasympathique, nerf vague et substances amères.

Que vient faire cette particularité nerveuse dans cet ouvrage sur les molécules amères ? De fait, les chercheurs en neurologie et les diététiciens fonctionnent dans des mondes séparés. Hé bien dans ce, nous allons réunir leurs savoirs …

Notre organisme est en permanence sous le contrôle d’un système nerveux dit autonome, en ce sens qu’il ne dépend pas de notre volonté en faisant agir un double circuit de sensibilité et d’action, les systèmes ortho et parasympathique. Chez ce dernier, l’essentiel des tâches est le fait d’un nerf unique, quoique très ramifié : le nerf vague. Tous nos organes, toutes nos fonctions, sont sous surveillance et sous l’action régulatrice et apaisante du nerf vague.


« En face », le système orthosympathique, qui va au contact des mêmes organes, présente une structure anatomique séquencée, avec des ganglions successifs le long du rachis, alors que le nerf vague du parasympathique ne présente qu’un seul axe (en fait dédoublé à droite et à gauche de la colonne vertébrale) dont les diverses ramifications vont pénétrer dans les tissus et organes divers de notre corps.

La voie du nerf vague.

Là, nous sommes dans le vif du sujet. Car ce nerf vague est on ne peut plus complexe et (voir plus haut), il tient de nombreux rôles à la fois.

Au niveau des organes du goût, le nerf vague (ou nerf dix, ou X) perçoit les informations issues de la langue, du palais et du pharynx, les zones de l’organisme les plus riches en récepteurs gustatifs (en vert sur le schéma). Les différents rameaux du vague se réunissent pour former les ganglions supérieurs, puis parviennent an noyau dorsal du tronc cérébral. Rappelons-le, le tronc cérébral n’est pas un organe d’intelligence, c’est le cerveau primitif des premiers vertébrés qui règle en permanence nos fonctions vitales en fonction de renseignements qu’il collecte dans tout le corps.

Par déférence (et parce que l’Evolution l’a établi ainsi), le vague va tout de même renseigner le thalamus de ses informations collectées dans la bouche. Mais, et c’est son rôle absolu, le vague va faire réagir directement l’ensemble des organes du corps dont il a la maîtrise.

Ainsi, les sensations violentes de l’amertume qui sont des messages d’alerte, sont en mesure d’avoir par le nerf vague des répercussions dans tout l’organisme, et le plus souvent dans un sens d’apaisement et de soulagement.

« Le nerf vague agit comme une autoroute de communication dans le corps, reliant le cerveau et l’intestin », explique Duval, un naturopathe australien: « Considérez-le comme le coach interne de votre corps, qui vous rappelle doucement quand il est temps de vous reposer et de digérer. En fait, le nerf vague est votre guide interne, qui contribue à maintenir votre métabolisme équilibré et sain. »

La longue histoire des récepteurs du goût.

Il y a plus de 500 millions d’années, les organismes vivant dans l’océan Panthalassique, ont un besoin vital d’apprécier la salinité de leur milieu naturel. Ils doivent en effet adapter leur organisme (vacuoles pour les végétaux, excrétion pour les animaux) aux variations de l’osmolarité marine. Ils sont donc équipés de récepteurs de salinité, et ceci dans tout le corps.

Les choses évoluent lors de la “sortie de l’eau” des organismes tant animaux que végétaux.

Si le contrôle de l’osmolarité reste essentiel (existence de lagunes d’eau saumâtre), les organismes doivent pour survivre se protéger de l’irradiation solaire : épidermes épais et pigmentés pour les animaux, production de molécules anti-oxydantes pour les végétaux.

Et, comme ça tombe bien, ces molécules protectrices (phénols et polyphénols) sont également toxiques pour les herbivores, ou bien simplement amères et indigestes : les végétaux ont ainsi, spontanément, trouvé une parade pour protéger leur développement et leur extension sur les continents désormais au sec.

Car au niveau des animaux, tout au moins herbivores, ceux qui survivent sont ceux qui ont développé une capacité de reconnaître la toxicité des végétaux: c’est l’apparition, et le développement intense des récepteurs de la saveur amère.

Des récepteurs de dangers, à la fois bactériens et toxiques.

Mais ces récepteurs ne sont pas tombés du ciel … En fait, ce sont des molécules intégrées aux membranes cellulaires, qui à l’origine savaient (et savent toujours) reconnaître des substances excrétées par des bactéries pathogènes (essentiellement de type Gram -), ces molécules appelées AHL (pour Acyl homosérine lactones). Au contact de ces AHL, c’est le branle bas de combat, les cellules concernées (voir plus loin) produisent des substances bactéricides, et provoquent une agitation intense des cils vibratiles: c’est la mort et l’expulsion de ces bactéries indésirables … Et puis, miracle ! (un miracle qu’on retrouve bien souvent en biologie … la nature est est très économe …) En effet, ces récepteurs d’AHL reconnaissent tout aussi bien des substances tout à fait étrangères aux infections, les substances amères. Du coup, double, voire triple efficacité de ces récepteurs: ils alertent l’organisme sur la toxicité éventuelle des amers (d’où vomissement et rejets, mais survie du sujet consommateur), ils protègent contre les infections bactériennes, mais aussi en reconnaissant des amers “non toxiques’, donc à dose minime, ils provoquent la même réaction protectrice que contre les bactéries.

Les amers deviennent alors, soit des régulateurs de santé (et malheureusement, ils sont bien rares dans notre alimentation), soit carrément des remèdes en cas d’inflammation ou d’infection mal gérées par l’organisme.

On le constate aujourd’hui : les animaux possèdent d’autant plus de types moléculaires de reconnaissance de l’amertume, qu’ils en ont le besoin dans leur alimentation.

Le chat, un carnivore strict, ne possède que six récepteurs à l’amer, le chien, dont le régime est plus varié, possède quinze récepteurs, la vache vingt et un (sa digestion par rumination la protège), l’homme omnivore vingt-cinq, le lapin très fragile vingt-huit, et le rat très précautionneux trente-six.

Le colibri, ce minuscule oiseau qui se nourrit comme les abeilles du nectar des fleurs, a abandonné ses récepteurs de l’amertume et du salé, pour développer plutôt une sensibilité très fine au sucré et à l’acide…

Concernant les récepteurs du sucré, les plantes à fleurs des terres émergées ont développé des fruits très sucrés, donc très attirants pour diverses espèces frugivores, et il s’est créé une co-évolution entre espèces: plus les fruits étaient sucrés, plus ils étaient attirants pour des animaux qui se reproduisirent en disséminant les graines contenues dans ces fruits mûrs. Et plus ces frugivores avaient de récepteurs du sucré, plus ils en étaient attirés, et ainsi de suite…

Chez l’homme, quelques heures après la naissance, les nourrissons préfèrent les goûts sucrés et umami et rejettent les liquides amers, bien que la sensibilité au sel, semblable à celle des adultes, n’apparaisse pas avant l’âge de 4 mois environ, leurs préférences et dégoûts alimentaires fournissent une preuve supplémentaire de leur plus forte préférence pour les aliments et les boissons au goût sucré, salé et, dans certains cas, acide et de leur profonde aversion pour tout ce qui a un goût amer. Le goût accru des enfants pour les sucreries et les sels, par rapport aux adultes, reflète probablement le besoin d’énergie ou de minéraux, respectivement, pendant les périodes de croissance maximale, car de nombreux aliments riches en énergie (par exemple, le lait maternel, les fruits) ont un goût sucré. Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses préparations pédiatriques aient un goût sucré

Non goûteurs et super goûteurs. L’inégalité génétique et ses conséquences cliniques. 

Chez l’Homme, il existe 25 types de récepteurs qui reconnaissent les composés amers, avec des singularités (très légères modifications) pour chacun d’entre eux. Mais contrairement aux récepteurs du sucré (tout le monde ressent et apprécie les substances sucrées), les récepteurs d’amertume sont inégalement représentés chez les individus. Certains reconnaissent l’amer à toutes petites doses (au risque d’un rejet immédiat), ce sont les “super goûteurs”, d’autres (environ 30%, tout de même) ne sont pas gênés par ce goût et il en faut des doses élevées pour les faire réagir, ce sont les “non goûteurs”.

Pour éprouver le degré de sensation amère chez des individus, on dispose de languettes de papier imbibées d’un amer très puissant, le PTC (PhénylThioCarbamide) que l’on met en contact avec la langue des testeurs…

Plus simplement, on peut se limiter à croquer un comprimé de paracétamol (doliprane) et de noter son effet en bouche. Environ 25% des individus ont très peu de réaction, ce sont des “non goûteurs”.

Cette disparité pourrait n’être qu’ anecdotique, puisque l’amertume ne fait pas partie de nos penchants. Mais de fait, cette déficience des “non goûteurs” est en fait une carence physiologique aux conséquences mesurables dans certaines situations pathologiques. C’est le cas pour les maladies respiratoires, tant supérieures (rhinites et laryngites chroniques) que basses (BPCO, asthme). Ou bien pour des troubles digestifs et métaboliques (iléites, mici, obésité, diabète). 

En médecine courante, on traite vigoureusement les symptômes et on ne va pas chercher des déficiences en récepteurs d’amertume … Mais quand on s’intéresse au sujet et que l’on teste les malades avec des bandelettes PTC, on s’aperçoit que les “non goûteurs” font également partie des patients les plus atteints.Et l’on sait maintenant (voir plus loin) par quels mécanismes les “super goûteurs” sont naturellement protégés et peuvent accéder à des traitements via des suplémentations en substances amères.