Les amers et la glycémie: obésité et diabète.

Nous avons vu plus haut qu’avant un repas, le contact au palais de substances amères mettait en route un processus de pré-digestion (appétit, salivation, acidité stomacale…), dû aux “directives” du nerf vagal. 

Une fois engagés dans le tube digestif, les aliments vont se trouver au contact des muqueuses stomacales et intestinales, au sein desquelles de très nombreux récepteurs d’amertume (différents selon la portion traversée) qui vont en orienter l’assimilation.

Rappels sur les hormones qui gèrent l’appétit, la digestion, le métabolisme des sucres.

L’appétit est sous l’influence de la ghréline, produite par des cellules de l’estomac et du pancréas.Son taux est élevé en début de repas, puis diminue à mesure que l’estomac se remplit. Lors de gastrectomies (on retire une partie de l’estomac), sa production diminue avec un  appétit lui aussi amoindri. La ghréline a une action inverse de celle de la leptine, une autre hormone produite par l’estomac lors d’un repas, et qui, elle, entraîne la sensation de satiété.

Les incrétines (GPL-1 et GIP) sont des hormones intestinales qui stimulent la production d’insuline et ralentissent la vidange intestinale, donc le transit des sucres vers l’intestin. Plusieurs médicaments, comme le trulicity, utilisent cette voie des incrétines pour soigner le diabète.

Ces récepteurs du goût amer entraînent la production d’hormones directement impliquées dans la sensation de satiété et sur la production immédiate d’insuline, ce qui donne aux substances amères une capacité de “coupe-faim” ainsi que d’améliorer les performances hypoglycémiques de l’insuline. Des extraits de houblon (humulone, lupulone) , ou d’épine-vinette (berbérine) ont montré leur efficacité immédiate , mais aussi à long terme, sur les prises alimentaires, ainsi que sur la glycémie.

Il est remarquable que le médicament metformine, utilisé dans le monde entier pour soigner l’obésité et le diabète de type 2, est issu de l’usage médiéval d’un végétal amer, le galega.

On notera également que la prise d’aliments amers provoque la production immédiate de bile, qui elle-même est un composé amer, qui viendra renforcer les effets induits par les précédents.

Une explication du phénomène pourrait être la suivante: du temps des “chasseurs cueilleurs”, les apports en glucides reposaient sur la consommation de racines et de tubercules contenant à la fois de l’amidon ou de l’inuline, et des composés amers. Peu chargés en glucides, ces aliments “sauvages” ne provoquent pas de “réflexe insulinique” au niveau des récepteurs buccaux. Et c’était  donc aux récepteurs TAS2R tout au long de l’intestin, de reconnaître les amers pour induire la production de GPL-1 et ainsi d’insuline pour gérer la glycémie post-prandiale.

Mais ceci, c’était avant, avant l’arrivée des céréales et surtout des sucres surajoutés dans notre alimentation, et avant l’effondrement des molécules amères dans nos assiettes.

Actuellement, les sucres directement identifiés en bouche provoquent une production immédiate d’insuline, avant même leur utilité, et un épuisement du pancréas.

L’apport de molécules amères provoque au niveau intestinal la production concomitante de  leptine (avec sentiment de satiété), et de GPL-1 pour relancer un taux d’insuline en rapport avec la digestion en cours.

En laboratoire, les agonistes de TAS2R, en particulier la quinine et la berbérine, permettent d’abaisser la glycémie postprandiale en augmentant à la fois la libération de GLP-1 et d’insuline.

Il a également été démontré que l’activation chronique des T2R augmente la tolérance au glucose et supprime un large éventail de marqueurs inflammatoires chez les souris obèses induites par l’alimentation.