Ce domaine de recherche est très récent et les parutions sont très dispersées, difficile d’en tirer des conclusions définitives. Cependant, quelques travaux épars laissent entrevoir une action tangible de substances amères sur le développement de certains cancers.
L’exemple le plus significatif est celui de tumeurs du cou, dont les cellules présentent en quantité des récepteurs de type T2R14. Ce type de cancer, au pronostic très défavorable, montre une sensibilité notable (dépolarisation des mitochondries, arrêt de la prolifération, apoptoses cellulaires) au simple contact avec des injections locales de lidocaïne, un anesthésique non toxique, mais particulièrement amer. Et il est prouvé que c’est bien par la voie T2R14 que ces effets sont provoqués. Même si ce phénomène oncocide n’est pas bien compris, il permet d’envisager des traitements simples et économiques sur des tumeurs solides avant exérèse ou en suite opératoire. En tant que vétérinaire, j’applique désormais ce protocole sur des tumeurs mammaires ou cutanées, d’autant plus facilement que la lidocaïne étant un anesthésique local, les injections locales se font sans douleur.
Quand on cherche, bien souvent, on trouve … Et c’est le cas pour les récepteurs d’amertume sur les cellules cancéreuses. Et via quelques dizaines de parutions internationales, on sait désormais que les cellules cancéreuses présentent au niveau membranaire les récepteurs correspondant à ceux des cellules saines du même tissu. Au total, on a retrouvé 25 types de T2R, avec des combinaisons différentes selon le type de tumeurs, mais également avec des variations importantes de leur densité.
Rappelons que nous sommes inégaux concernant notre capacité à percevoir les amers. Environ 30% des humains sont des “mauvais goûteurs”, ils ressentent peu l’amertume en bouche. C’est génétique, leurs T2R sont peu efficients. On a bien constaté que ces “mauvais goûteurs” sont plus fréquemment atteints de rhinite chronique, d’asthme ou de BPCO. Et il en est de même pour les cancers: les cellules tumorales présentant pas ou peu de récepteurs correspondent à des cancers plus graves, à l’évolution plus rapide.
C’est sur des tissus prélevés qu’ont été effectuées de nombreuses études, qui ont permis de détecter les T2R de chaque type de cancer, de mesurer leur densité, et d’y faire correspondre les amers qui les font réagir.
Ainsi, le T2R38 semble une cible présente dans de nombreux cancers (prostate, pancréas, ovaire), T2R14 pour certains cancers du sein, T2SR8 et TSR10 pour les neuroblastomes, etc …
Nous sommes loin encore de thérapies du cancer avec des amers. Ces études ont été réalisées (essentiellement, sauf la quinine) avec des amers de synthèse comme le dénatonium, et seulement dans la quiétude des éprouvettes. Il n’empêche qu’il faut considérer les qualités amères de certains médicaments utilisés en oncologie, qui peuvent jouer un rôle complémentaire sur les T2R en plus de leur action pharmacologique attendue. La dysgueusie, cette sensation d’amertume en bouche ressentie par les patients lors de chimiothérapies, pourrait trouver là son explication.
Et bien sûr, à titre préventif, l’ingestion régulière de végétaux (réellement) amers ou la prise de compléments appropriés doit permettre une résilience selon ce principe original.