Cibles thérapeutiques à venir.

Dans les lignes précédentes, nous avons présenté des organes, ou des fonctions physiologiques (bouche, tube digestif, larynx et bronches, tumeurs solides…) dont on a pu démontrer la sensibilité à des substances amères , avec la résolution de certaines pathologies. Un point commun: pour chacune de ces fonctions, on peut  envisager un contact direct entre les amers et les récepteurs T2R. Par voie digestive (sirop, gélules)  ou respiratoire (spray), on peut introduire des substances amères au contact direct des tissus à soigner.

Pour d’autres organes ou tissus internes à l’organisme, c’est par voie sanguine que les composés amers peuvent être apportés sur la zone ciblée. Avec la difficulté de faire parvenir la bonne dose d’amers, en bout de cheminement intestinal, hépatique, puis sanguin. Certes, on peut compter sur un effet du nerf vague dès la mise en bouche, mais pour les récepteurs locaux, il y a encore bien des inconnues sur les capacités à recevoir les ligands au bon endroit et au bon moment.

Les amers et la glande thyroïde

L’hypothyroïdie est due à un dérèglement de la glande thyroïde qui entraîne une diminution de la production d’hormones thyroïdiennes. Elle se caractérise par un ralentissement de la majorité des fonctions de l’organisme. L’hypothyroïdie est souvent due à un dérèglement du système immunitaire qui attaque les cellules de la thyroïde et réduit ainsi la production d’hormones. On estime qu’entre 3 et 10 % des Français souffrent d’hypothyroïdie, ce pourcentage augmentant avec l’âge.

La glande thyroïde émerge au cours du développement embryologique du plancher du pharynx près de la base de la langue. Il est donc logique d’y trouver des types cellulaires proches, et effectivement, les follicules thyroïdiens supportent une quinzaine de TAS2R, sensibles à des effecteurs apportés par voie sanguine.

Les recherches actuelles n’ont pas encore identifié tous les différents agonistes de ces récepteurs d’amer, mais il apparaît que l’apport sanguin de molécules amères augmente le flux d’iodure dans les thyrocytes, amplifiant ainsi la production d’hormones T3 et T4. Un appoint sans doute favorable pour les millions de personnes (70 % de femmes) en hypothyroïdie chronique.

Les amers de la vessie et de l’urètre

Les récepteurs T2R sont présents avec la voie de transduction du signal amer dans l’épithélium interne de la vessie, et dans les cellules en brosse de l’urètre. Les T2R fonctionnent ici comme des sentinelles immunitaires en surveillant les produits microbiens qui sont des agonistes du T2R et en induisant le réflexe musculaire du détrusor par la libération d’acétylcholine.

Ce réflexe améliore la vidange de la vessie et aide à l’élimination des bactéries de l’urètre. Voici un autre exemple de réponse immunitaire innée régulée par le T2R impliquant le rinçage des agents pathogènes du corps. 

La question est: comment faire parvenir les substances amères dans l’urine, afin d’un contact direct avec les récepteurs ? Des réponses existent: les extraits de canneberge (anthocyanes) pris en gélules parviennent en doses suffisantes dans la vessie pour, comme le long des bronches, disperser le mucus avec les bactéries qui s’y sont développées. De même le remède spasfon (un phlorotannin) prescrit en comprimé ou par piqûres, trouve son chemin pour soulager les inflammations des tissus de l’arbre urinaire.

Les amers et les contractions utérines

Lorsque un accouchement devient languissant, on sait utiliser l’ocytocine pour provoquer des contractions et l’engagement du fœtus dans la filière pelvienne. Mais lorsqu’au contraire les muscles utérins s’emballent, surtout lors d’un stade précoce de la gestation, on doit employer en urgence des tocolytiques non dépourvus d’effets généraux, respiratoires et circulatoires, et d’une action limitée dans le temps. 

On est à la recherche de remèdes efficaces, sur un temps long et sans effets généraux.

Il s’avère que les cellules musculaires de l’utérus supportent des récepteurs d’amer, en particulier les TAS2R de type 4, 5, 10, et 14. Avec un effet par la chloroquine de relaxation du myomêtre supérieur à celui des tocolytiques utilisés en clinique tels que le MgSO4, l’indométhacine, la nifédipine et l’albutérol. 

Les amers, le cerveau et la mémoire

Il existe divers types de mémoires, localisées en plusieurs zones cérébrales, et dépendantes de neuromédiateurs différents. Les maladies dites dégénératives découlent de modifications ou de déficits en certains de ces médiateurs. En particulier la dopamine pour Parkinson, l’acétylcholine pour Alzheimer.

On se souvient (voir plus haut) que le nerf vague agit par sa production d’acétylcholine en divers endroits du corps, on se souvient aussi que les récepteurs des amers dans la bouche ont cette capacité par ledit nerf vague (branche buccale) et le trijumeau, de stimuler la production d’acétylcholine.

Il a été largement prouvé que (sur des souris), les amers du houblon incorporés dans l’aliment entraînent une réduction du poids corporel, une augmentation de la thermogenèse, mais aussi une poussée d’acétylcholine dans le liquide céphalo rachidien (qui baigne l’hippocampe, impliqué dans la mémoire).

Au résultat, des améliorations tangibles des divers types de mémoire: mémoire épisodique (reconnaissance d’objets), mémoire de travail, 

Travaux non financés par les brasseurs (voir plus haut: les bières amères deviennent tendance), mais qui indiquent cette capacité des amers de soutenir l’activité cérébrale dans ce domaine des mémoires.