La langue, comme les lèvres, présente un épithélium épais, solide, et des pathologies plutôt rares, essentiellement traumatiques.
Il n’en est pas de même des gencives, très sensibles au froid, au chaud et surtout aux infections. Le microbiote oral est principalement constitué de bactéries. Plus de 800 espèces colonisent la muqueuse buccale, 1300 se partagent la poche abritée qui sépare la gencive de la dent, et près de 1 000 constituent le biofilm plus exposé au flux salivaire qu’est la plaque dentaire.
Une mauvaise hygiène bucco-dentaire laisse se développer un biofilm dans lequel se multiplient les bactéries, d’autant mieux que la prise de sucres nourrit ces bactéries (ou parfois des champignons candida). Ces micro-organismes produisent des substances irritantes normalement reconnues par les récepteurs T2R qui ont une fonction d’alerte et de défense. Mais (voir plus haut), l’action des T2R est annihilée en présence de sucre: résultat, les réactions de défense ne jouent pas leur rôle et la gingivite s’installe (avec son cortège de douleur, mais aussi de dissémination de bactéries dans la gorge (via la salive) mais aussi dans tout l’organisme via les plaies gingivales.
L’apport en local de substances amères peut prendre le relai et stimuler les récepteurs T2R, à la condition de s’abstenir de maintenir du “sucré” dans la bouche. Et c’est là tout le problème puisque l’amertume est désagréable et refusée par les patients… amertume que l’on masque… par des substances sucrées. On tourne en rond sauf si l’on sait occulter l’amertume autrement que par du sucré.
Une approche thérapeutique par les amers permet une récupération de l’inflammation, un switch des bactéries nocives vers un microbiote équilibré, et une protection contre la perte osseuse alvéolaire accélérée, qui entraîne la perte des dents.
La dysgueusie, un signe d’alerte d’infection bucco-dentaire: cette sensation désagréable d’amertume en bouche peut être due à l’action de certains médicaments (voir plus haut), mais surtout lors de développement bactérien intense, dont les sous-produits leurent les récepteurs T2R qui réagissent en envoyant au cerveau de fausses information, mais néanmoins une alerte: vite, se laver les dents! Cette amertume que seuls les malades ressentent, ne doit pas être confondue avec cette odeur putride d’ulcères buccaux qu’ils partagent avec leur entourage…
Il existe un type d’amer plutôt supportable, utilisé à grande échelle en médecine vétérinaire, au grand bénéfice de nos compagnons à quatre pattes: les phorotannins. Ils sont présents jusqu’à 15% dans une algue brune de l’océan atlantique appelée Ascophyllum nodosum. La prise régulière de cette poudre d’algue a tout d’abord un effet “anti-fouling”, c’est à dire qu’elle empêche le dépôt du biofilm bactérien sur la dent et sur la gencive (à tel point qu’on utilise ces phlorotannins dans les peintures de coque des bateaux pour y empêcher le dépôt de micro-organismes et de coquillages). Et par ailleurs un effet bactéricide par action directe mais aussi en tant que tannins reconnus par les récepteurs T2R. L’amertume est occultée par une saveur iodée, et même les minets les plus délicats en acceptent le goût dans leur pâtée.