La face cachée des médicaments amers

Nos premiers médicaments étaient essentiellement d’origine végétale. On utilisait des plantes (généralement dans leur “totum”, c’est-à-dire avec l’ensemble des constituants), pour laisser agir des molécules très actives, toxiques à forte dose (réaction de défense de la plante) mais thérapeutiques à faible dose. Et ces principes végétaux (tannins, alcaloïdes) étaient amers. On les prenait en tisanes, élixirs, liqueurs ou potions, généralement mêlés à du miel pour faire … passer la pilule.

Puis sont arrivés les médicaments issus de la recherche en pharmacologie, d’abord les principes végétaux purifiés (quinine), puis les molécules de synthèse. 

Mais même avec ces produits “modernes”, l’amertume refait surface.

Beaucoup de médicaments ont un affreux goût d’amertume, et on doit masquer cette saveur par un ajout de sucre, ou bien par leur mise en gélules ou en comprimés enrobés.

Comme vétérinaire, j’ai un gros travail d’éducation et de persuasion pour faire prendre aux chats en urétrite aigue de minuscules comprimés de scopolamine, un composé très amer : si par malheur le chat croque le comprimé, l’amertume se dégage, le chat salive pendant 30 minutes, et refusera par la suite de se laisser soigner …

Les effets hors cibles des médicaments amers

Et connaissant les réactions physiologiques (et par conséquent thérapeutiques) de l’amertume, on peut s’attendre à des effets hors cible de certains médicaments, parfois dans le bon sens (ex : de la quinine, qui est un fébrifuge historique, mais efficace, pourra du fait de son amertume, agir également (selon son mode d’utilisation) pour soulager une inflammation bronchique. Il est d’ailleurs probable que la fameuse hydroxychloroquine préconisée pour le Covid par le Panoramix marseillais, agissait comme antiviral, anti-inflammatoire « chimique » comme prévu, mais avec une action parallèle, parfois avec une action non désirée.

Les ligands T2R (donc nos composés amers) comprennent un large éventail de composés naturels et synthétiques. Notamment, de nombreux produits pharmaceutiques qui ont un goût amer, avec des composés tels que la chloroquine, l’halopéridol, l’érythromycine, le procaïnamide et l’ofloxacine connus pour activer les T2R. 

Les composés au goût amer peuvent avoir des effets physiologiques spécifiques dans les cellules exprimant le T2R.Par exemple , la ghréline et le peptide-1 de type glucagon en réponse à une stimulation par des composés au goût amer. Dans le système respiratoire, la stimulation des T2R exprimés dans les épithéliums respiratoires et les muscles lisses a été impliquée dans les réflexes protecteurs des voies respiratoires, les battements ciliaires et la bronchodilatation. 

En illustration de cet article, un tableau de différents médicaments amers, leurs cibles thérapeutiques, et les différents types de récepteurs qu’ils peuvent reconnaître.

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