Chez beaucoup d’animaux, le jeûne fait partie de la vie
Pour bien comprendre le sens et la logique biologique du jeûne, on se retournera une fois de plus vers nos compagnons, les animaux.
Le jeûne est en effet très courant dans le monde animal, mais comme il n’est pas volontaire, on lui donne d’autres dénominations comme ”période de rut” ou ” hibernation ”, ou bien ” stade pupal”.
Pourtant, il s’agit bien d’un jeûne, qui accompagne une fonction physiologique liée à un événement vital pour l’animal. Prenons la période sexuelle.
Votre chat, va sortir quatre jours d’affilée, revenir épuisé, efflanqué, peut-être papa… Il n’aura pas mangé durant toute la période. Mais c’est un animal domestique, il est partagé entre son destin et sa gamelle.
Le phoque d’Alaska, lui, n’est pas domestique. Dès la fin du printemps, alors qu’il est au mieux de sa forme et de ses réserves, il attaque une saison totalement dévolue à la séduction, à l’accouplement, à la défense du territoire où il a confiné son harem. Pour les initiés, il s’agit d’un état 100% Yang, dévolu à une activité centrifuge maximale et à un catabolisme physiologique effréné : il consomme tout ” ce qu’il y a à l’intérieur ” pour agir autour de lui sur l’extérieur.
Et Yang, catabolisme, retenons bien ces mots qui seront égrenés tout au long de cet article.
Notre phoque, épuisé, parfois meurtri, efflanqué, va-t-il en fin de rut se précipiter à l’eau pour se restaurer ? Non pas : il se choisit un coin tranquille au milieu des herbes, où il va s’isoler et se reposer pendant trois semaines. Seulement alors, il glisse vers la grève et se lance vers les zones où (comme la nature est bien faite), le menu fretin commence à pulluler. Avant de retrouver la faim et le désir de manger, le phoque aura passé deux à trois mois de dépenses, puis de repos.
Plus triste est le sort du saumon : celui-ci, à partir du moment où il commence à émigrer de la mer vers le fleuve, ne va plus rien manger, entièrement occupé à trouver sa route et à vaincre les embûches. Arrivé en amont des rivières, il est débarrassé de toute sa graisse musculaire, mais a gardé toutes ses forces pour le frai. A l’instant où il libère sa semence, il est pratiquement condamné car il est alors très affaibli (un régal pour les ours) et ses organes digestifs ne sont plus fonctionnels…
Pour ces deux exemples, l’instinct de reproduction met en danger la vie des animaux, au bénéfice de la génération suivante.
Chez les animaux subissant des métamorphoses, le phénomène est différent. C’est la larve (prenons la chenille pour le papillon, ou bien le têtard pour la grenouille…) qui va dans un écosystème favorable, dévoré pendant des semaines et constitué des masses de tissus fonctionnels (pour leur propre vie, essentiellement d’ordre digestif) ou de réserves: on a alors typiquement un état Yin, dévolu au développement intérieur, sans aucune communication avec l’extérieur, aucune perte de temps ou d’énergie, et une physiologie de construction tissulaire, c’est-à-dire d’anabolisme.
A un certain point de leur croissance, les insectes voient leurs larves se détourner de la nourriture, s’isoler et s’entourer d’une coque de protection : ils atteignent le stade de pupe, au cours duquel commence le phénomène inverse : un catabolisme intense de tous les tissus larvaires et des substances de réserve, et un remodelage complet de tout l’organisme pour fonder un nouvel individu. Entre la chenille et le papillon, il n’y a pas une seule cellule (sauf certains neurones et cellules sensitives) qui soit restée fonctionnelle.